Mes amis, j'ai pris une décision. J'espère qu'elle sera définitive et sans appel : je quitte Facebook. Du moins, pour mon compte personnel puisque j'ai laissé actif l'espace consacré à Code 18.
Au début, j'ai été infecté comme tout le monde. Plus ça allait, moins j'étais emballé par ce qu'il avait à offrir. Depuis plusieurs mois, à chaque fois que je m'y connectais, c'était pour voir s'il se passait quelque chose et je ne cessais de remettre en question la pertinence de ce service. J'avais l'impression de perdre mon temps. Est-ce réellement utile pour moi ? Mon temps est-il trop précieux pour le gaspiller ainsi ? Pourquoi s'entêter à demeurer membre quand je ne publie pratiquement rien, que je ne joue ni aux jeux, ni à propager mes intérêts partout, que la majorité de mes contacts sont issus d'une vie passée et ne viennent que zieuter les profils par curiosité, comme dans une télé-réalité. Nous sommes tous les vedettes de cette mise en scène, partageant avec qui veut bien l'entendre, nos états d'âme et les banalités de nos vies. Inutile, inutile, inutile : trois mots pour dire la même chose (fièrement emprunté au gala Les Olivier d'hier soir!).
Facebook est un réseau géant qui exploite un désir primordial de l'être humain : le besoin d'appartenance, affectif et de reconnaissance sociale tel que présenté dans la pyramide de Maslow. Facebook a comblé cette niche qui s'est avérée fort lucrative. De tout temps, les gens ont eu besoin de se sentir entouré, d'avoir ou avoir l'impression d'avoir des amis. Être important, populaire et avoir de l'influence. Prouver qu'on n'a pas raté sa vie. La beauté de ce système est la facilité d'y pratiquer le voyeurisme. Ça met tout le monde en compétition et la comparaison devient facile. Ai-je plus d'amis que lui ? Tiens, des photos de son voyage dans le sud. Ewrh, regarde donc comment elle est habillée! Oh, elle a écrit un statut mystérieux qui ne veut pas dire grand chose. Vite vite, posons lui la question pour en savoir plus. Banalités, potinage, hypocrisie. Je ne prétends pas que tout le monde le fait, mais une bonne partie, même si elle n'osera pas l'avouer. C'est malsain et ce n'est pas le pire.
Soyons honnête, ça ne sert les intérêts de personne, sauf à ceux qui ont le contrôle du système et qui s'enrichissent à vos dépens en dressant des profils d'utilisateurs et de consommateurs. Pour votre information, les investisseurs estimaient en janvier dernier la valeur de Facebook à 50 milliards de dollars. 50 milliards! Pour valoir ce montant, vous êtes-vous posé la question à savoir ce qu'on vous cachait ? Ce montant représente la valeur de vos données et du potentiel commercial qu'il y a à faire avec vous. Facebook comptait 500 millions de membres hier. Il y en a un de moins aujourd'hui. En fermant mon compte, c'est 100$ que je soutire au géant. C'est aussi une façon de protester et de voter. Même si on me donnait le montant équivalent pour obtenir mes informations personnelles, je refuserais catégoriquement. Pourtant, un peu plus de 7% de la population mondiale est consentante à renoncer en partie à sa confidentialité contre un peu de divertissement gratuit. Une prise de conscience générale s'impose parce qu'ils ont réellement bien déguisé leurs intentions. Tout est faux sur Facebook, l'amitié tout comme les raisons même de son existence. C'est pourquoi je me devais d'être conséquent avec moi-même et de quitter le troupeau.
En achetant sur Amazon, on sait que le système dresse un profil de vous selon ce que vous achetez ou mettez dans votre liste de souhaits. Facebook, lui, n'a pas besoin de vous vendre quoi que ce soit pour l'obtenir. Vous gavez son système directement en fournissant le plus d'information possible sur vous. C'est tellement plus efficace et vous n'y voyez que du feu puisque c'est en prétextant que c'est pour que vos amis vous connaissent mieux. Avez-vous réellement besoin d'un intermédiaire pour vous aider à communiquer ? Surtout un réseau propriétaire privé...
Moi, je revendique tous les prétextes pour voir se voir, pour se parler face à face, pour dialoguer et échanger, pour passer du temps de qualité avec les gens de mon entourage. Pas de faire des pokes et cliquer sur des boutons "J'aime". Certains se défendront en avançant que ce n'est qu'un autre média facilitant la communication. Je suis tout à fait d'accord et vous êtes en droit de l'utiliser. Mais j'ai aussi fait le constat qu'en étant capable de jeter un oeil aussi facilement au profil de mon entourage, le besoin de se voir en personne devient parfois optionnel. Et c'est ce dont je refuse. Quand plusieurs mois se sont écoulés depuis la dernière rencontre avec certains de mes bons amis alors qu'on se voyait plus régulièrement dans une ère pré-Facebook, peut-être est-ce le signe qu'il est temps de forcer les choses à changer.
Il faut vivre dans son époque qu'ils disaient. Moi je dis qu'il faut simplement vivre. Décrocher de la technologie ne peut pas faire de mal, seulement remettre les choses en perspective.
Vous savez, j'achète en ligne, je paie mes factures sur le web, mon gagne-pain consiste à passer des journées entières à écrire du code pour ce monde virtuel. Dans mes temps libres, je partage des trucs sur mon blogue et sur Twitter. La dernière chose que je voudrais virtualiser, ce sont mes amis. Le monde réel doit prendre le dessus sur le monde virtuel. Aller prendre une bière avec mes amis est une nécessité qui ne peut se faire que d'une seule façon. Il faut créer des occasions et faire autrement que poster sur un "wall". Albert Jacquard disait : "Je suis les liens que je tisse avec les autres". Oui, tant que ça va au-delà de la toile, sinon, à quoi bon faire semblant ? Le livre La guerre du faux d'Umberto Eco aura certainement eu pour effet de m'ouvrir les yeux...
Quand j'ai amorcé le processus de désactivation du compte, on m'a montré des photos de mes amis en me disant qu'ils s'ennuieront de moi. Je ne les ai pas avertis de ma démarche. Ils ont mon adresse, mon courriel et mon numéro de téléphone (vieille technologie qui a fait ses preuves). J'ose espérer qu'ils sauront où me trouver.
Mon nom est Mathieu. J'appartiens désormais au monde réel et c'est là que vous pourrez me trouver.
Fiche nécrologique
2007-2011
Il aurait pu avoir du bon temps dans FarmVille. Pour l'avoir ignoré, il a dû payer. Dissident de la majorité, un type de Mafia Wars lui a fait la peau. Il laisse dans le deuil plusieurs "amis" avec qui il n'a pas échangé depuis des années. Ses pokes répétitifs nous manqueront à tous.
Il sera exposé momentanément dans la vraie vie pour une durée indéterminée (les estimations varient entre 40 et 60 ans). Ne laissez pas de fleurs, faites plutôt un don de 100$ à Zuckerberg.
Il aurait voulu partager un dernier repas avec ses disciples : prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous. Buvez-en tous, ceci est mon sang. Euh, c'est pas sérieux, vous êtes des zombies ou quoi ?
lundi 16 mai 2011
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