C'est une réflexion que je me souviens avoir déjà entendu dans mes cours de programmation au Cegep (au tournant du siècle) où des étudiants cherchaient à savoir si on pouvait ou non programmer en français. Comme le nom et son origine étaient français, certains croyaient à tord que le langage de programmation Eiffel possédait des mots clés français reconnus par les compilateurs. Une instruction SI ... ALORS ne me semblait pas très sexy. Un enseignant nous avait raconté qu'il y avait déjà eu des tentatives de francisation mais que rien n'avait été concluant. Je me souviens aussi que sa réponse à la question avait été stricte : on code en anglais, par convention.
En fait, sachant que les mots clés réservés de tous les langages sont en anglais, même le choix de noms de variables en français paraît douteux. En milieu professionnel, la lecture du code doit être fluide pour faciliter la compréhension alors c'est une bien mauvaise idée d'alterner entre deux langues. J'entends déjà les critiques de cordonnier mal chaussé arriver : certains exemples de code source sur ton blogue sont en français! Oui, mais dans un contexte d'apprentissage, c'est excusable. Parce que je m'adresse aux initiés, aux curieux, à des gens qui n'ont peut-être pas une grande expérience en programmation mais qui ont un intérêt d'en savoir plus, je me le permets à l'occasion. Au travail, c'est en anglais que ça se passe. Et si je vois un programmeur coder en français, je sors la strap pour le rappeler à l'ordre.
Pourtant, avec la situation du français en déclin qu'on connaît au Québec, on se sent encore plus comme le petit village d'Astérix qui doit défendre sa langue dans une Amérique du Nord anglophone. Personnellement, je suis un fervent défenseur de ma langue et j'essaie de m'appliquer à y faire honneur le plus possible mais professionnellement, je n'ai pas d'autres choix que de choisir l'anglais comme langue de travail. Pas pour la communication avec les autres mais pour mon environnement de développement. Si on voulait que ça sonne bien à l'oreille, on ferait pas de la poésie, pas de la business.
Au Québec, la loi 101 (charte de la langue française) stipule qu'en milieu de travail, les logiciels devraient être disponibles en français :
CHAPITRE VII
LA LANGUE DU COMMERCE ET DES AFFAIRES
52.1 Tout logiciel, y compris tout ludiciel ou système d'exploitation, qu'il soit installé ou non, doit être disponible en français, à moins qu'il n'en existe aucune version française. Les logiciels peuvent être disponibles également dans d'autres langues que le français, pourvu que la version française soit accessible dans des conditions, sous réserve du prix lorsque celui-ci résulte d'un coût de production ou de distribution supérieur, au moins aussi favorables et possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes.
Primo, c'est la première fois que j'entends le mot ludiciel. Wikipedia m'éclaire en expliquant qu'il s'agit d'un terme pour dire "jeu vidéo". Qu'on le retrouve dans la section Langue du commerce et des affaires, je suppose qu'ils font référence à Farmville et Mafia Wars en milieu de travail ? Boss, une p'tite game de Ferme Agricole ou Guerres de la Mafia ?
Pour ce qui est installé sur mon PC, suis-je le seul à trouver intolérable d'avoir un système d'exploitation francophone ? Un exemple de frustration vécu récemment : avec Excel, si on veut créer un fichier CSV (comma separated values = valeurs séparées par des virgules) alors qu'on se trouve sur un OS dont les paramètres régionaux sont Canada/Français, le tableur décide de créer un CSV avec des point-virgules! Allo ?!?
Côté logiciels, Dreamweaver en français, c'est une plaie. D'ailleurs, je l'utilise de moins en moins, préférant Netbeans et NotePad++. Et je n'ai pas versé de larmes à perdre le WYSIWYG. Certaines de mes applications que j'utilise au quotidien ont été installés en français par le département réseau, d'autres en anglais. Mon voisin de bureau possède les mêmes logiciels, mais pas nécessairement avec l'interface dans la même langue que les miens. Quelle partie de plaisir lorsqu'on doit comparer nos configurations ou expliquer la procédure pour effectuer une action. Uniformité en anglais s'il-vous-plait.
Oui, ça aurait pu être standardisé en français pour toute l'entreprise mais :
- les logiciels en français sont plus rares
- ils sont parfois plus chers
- les traductions sont quelques fois approximatives (voire même comiques)
- les références et la documentation sont défaillantes ou absentes
Toujours convaincu de la pertinence du français en programmation ? Peut-être que vous appréciez la coquetterie de coder et de rédiger vos commentaires en français mais votre patron lui, qui cherche constamment des nouvelles opportunités d'affaires, risque de vous faire les gros yeux lorsque vous lui annoncerez que vos librairies de code seront difficilement utilisables par vos nouveaux partenaires biélorusses. Gardez toujours en tête que le code doit être réutilisable et redistribuable pour la communauté de programmeurs et force est d'admettre que la planète compte plus de gens qui se débrouillent en anglais qu'en jargon québécois. Notre langue commune pour comprendre un langage de programmation passe par l'anglais.
Parfois, je me dis qu'utiliser le français en informatique est aussi improbable que pour un mécanicien automobile : tu as l'air d'un amateur si tu n'utilises pas les termes acceptés par les gens de l'industrie parce que tu n'arrives pas à communiquer efficacement. Sur les bancs d'école, ça peut faire plaisir au ministère de l'éducation et à l'Office de la langue française de nous apprendre les traductions approuvées, mais c'est généralement vite oublié dès qu'on intègre le marché du travail.
Si tu es unilingue francophone ou que ta langue maternelle n'est pas l'anglais et que tu comptes faire carrière comme programmeur, l'utilisation de la langue de Shakespeare est une condition vitale à ta survie.
Il y'a aussi Windev qui permet de programmer en français.
windev n'est pas un language, mais un truc à part...
J'abonde dans ton sens. Ceci d'autant plus que, dans les langages de programmation, les mots réservés sont souvent plus ou moins les mêmes et en anglais. Lorsqu'on aborde Windev ou 4D, on est vraiment paumé au milieu de cette syntaxe en français.
Cela ne signifie pas que ces technologies soient moins bonnes, mais :
1 - que c'est moins tendance de programmer en français
2 - que les utilisateurs connaissant déjà des langages 'anglomorphes' (j'aime bien inventer des mots) iront de préférence vers des langages similaires
3 - comment un langage peut-il espérer se développer dans un monde essentiellement anglophone s'il n'adopte pas la norme de fait ? (question intéressante au vu de l'importance de la population sinophone : qu'en serait-il d'un langage développé en mandarin par des chinois ?)
J'allais dire la même chose. Il y a aussi WebDev qui est la déclinaison Web de WinDev. Pour les detraqueurs, on peut tout aussi coder en anglais avec ces outils (if...else... end, etc...).
Cher Infinite Loop,
Tu sera heureux d'apprendre que j'ai l'intention d'entreprendre le combat pour la liberté de l'être humain de programmer dans sa langue maternelle. Je suis en train d'écrire un essai là-dessus :
https://mathieugp.cable.nu/wiki/La_libert%C3%A9_de_programmer_dans_sa_langue_maternelle
Et j'ai un plan pour arriver à destination par étapes.