Quelques professeurs d'université dans une pizzeria à Bologne en Italie. Discutent-ils de la pluie et du beau temps ? Certainement pas! Initiés par le célèbre Umberto Eco (qui possède plus d'une vingtaine de doctorat honoris causa, dont un de l'Université du Québec à Montréal), ces cerveaux surchauffés se sont affairés à l'élaboration d'une nouvelle science négative du savoir, la cacopédie. Décrite comme la science des solutions qui, dans le cas où elles ne sont pas imaginées
par malice ou méchanceté, seront bien vite imaginées par quelqu'un de
sérieux et sans malice, le remue-méninges de ces intellectuels a donné naissance à des idées tordues et déjantées comme la zérologie, un système de calcul logique complet fondé uniquement sur le zéro ou encore sur la réflexion à propos de l'impossibilité de construire la carte à l'échelle 1:1 de l'empire. Absurde et difficile à réaliser : tout à fait. Impossible ? C'est à voir.
À travers les époques, les cartes se sont toujours améliorées en terme de fidélité de ce qui était à représenter. Pour atteindre la perfection, la carte devrait hypothétiquement reproduire non seulement les reliefs naturels mais aussi les bâtiments et les sujets du territoire. Ainsi, on en déduit que la carte grandeur réelle étalée ne peut pas être opaque car elle priverait la terre où elle est déployée des rayons solaires et des précipitations. Sans compter qu'il serait difficile de percevoir les altérations du territoire pour corriger continuellement la carte pour qu'elle demeure fidèle à la réalité. Et pourquoi pas une carte suspendue au-dessus du territoire à l'aide de poteaux d'une hauteur égale à ses plus hauts reliefs ? Si on observe une portion de la carte à partir d'en dessous, elle est fidèle uniquement au moment où elle est achevée. Sans compter la difficulté possible s'amuser avec un cerf-volant... Au contraire, si l'observateur décidait de survoler la carte par le dessus, elle deviendrait automatiquement infidèle puisqu'elle représenterait un territoire ayant un nombre d'habitants supérieur d'au moins un par rapport à celui des résidents effectifs au moment de l'observation.
Il y a aussi la problématique de pouvoir ranger la carte, qu'elle soit pliable et dépliable. À supposer que la carte soit étalée sur le sol et que les habitants vivraient dessus, lorsque viendrait le temps de la rangeer, chacun prendrait un bord et la replierait progressivement en reculant vers le centre et en soutenant les bords repliés au-dessus de leur tête. Si les habitants ne sautent pas à l'extérieur au fur et à mesure du repliage, la population serait enfermée dans une poche et on qualifierait alors cette situation catastrophique de "scrotum". Inconfort et détresse psychologique assurés. Et n'allez pas croire que la réflexion s'arrête là. Une énorme carte repliée au centre du territoire n'est-elle pas censée être représentée sur la carte si on souhaite conserver son exactitude ?
Si ce que vous venez de lire vous a plu, vous trouverez quelques extraits choisis à la fin du livre Comment voyager avec un saumon d'Umberto Eco (qui vaut son pesant d'or en matière d'humour intello).
Sorti originalement il y a 20 ans, je l'ai lu pour la 1ère fois au début des années 2000 et je n'ai jamais retrouvé d'équivalent par un autre auteur. Vos suggestions de lectures similaires seront grandement appréciées.
samedi 21 avril 2012
0 réponse à "Initiation à la cacopédie et l'anti-savoir"
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