J'allais écrire un commentaire en réaction à l'article Les jeunes et la propriété: location perpétuelle? de Marc Tison sur Cyberpresse et vu la longueur de ma réponse (parce que j'en ai toujours trop à dire), j'ai préféré utilisé mon blogue comme tribune. Tout d'abord, sachez que je ne suis pas un expert en la matière et que l'écriture de ce billet est motivé par le gros bon sens.
Est-ce que les jeunes sont condamnés à vivre à perpétuité en tant que locataires ? Que ce soit leur choix ou non, il semblerait que ça soit la meilleure option, du moins du point de vue financier. Une maison engendre plus de coûts ? Oui, je suis tout à fait d'accord. Ce dont je suis moins, c'est l'exagération de l'argumentaire présenté dans le texte qui dépeint un portrait alarmiste de la situation. J'ai un peu l'impression que l'auteur (du moins, sa source) exagère les chiffres pour faire valoir son point de vue.
Je rappelle la question initiale : lequel, entre un loyer de 900$ ou l'achat d'une maison de 350000$ est le plus rentable ? Avant de se poser la question, il faut reconnaître que ces chiffres ne sont pas très réalistes. On parle de jeunes ET d'achat d'une première maison. Je ne sais pas pour vous, mais de mon côté, personne dans mon entourage n'a les moyens de s'offrir une maison à 350 000$. Ce que leur calcul ne dit pas, c'est qu'avec une hypothèque à 5% amortie sur 25 ans, ça représente des paiements de plus de 1800$ par mois, sans compter les taxes municipales et scolaires!. Si l'exemple parlait d'une propriété valant entre 200 000$ et 250 000$, ce serait déjà plus crédible (hypothèque mensuelle approximative entre 1000$ et 1300$). Si on est d'accord que le prix moyen est de 100 000$ inférieur à ce qu'ils avancent, tous les chiffres qui en découlent sont biaisés. Et alors là, l'accession à la propriété redevient soudainement possible aux jeunes.
En considérant un appartement en bon état dont le loyer est de 900$ à Montréal, ce sera sans doute un 4 ou 5 et demi avec un petit balcon suffisamment grand pour y placer un barbecue et une chaise. Pour être propriétaire de ce même appartement sous forme de condo, il faudra débourser au moins 200 000$ et ça peut vite grimper à 250 ou 300 000$. Généralement, une maison de banlieue de 350 000$ compte le double ou le triple de la superficie habitable, au moins 4 chambres, 2 salles de bain, un garage, une cour, une piscine creusée, un chien Fido, un voisin qui aime un peu trop sa pelouse, etc. À Montréal, il ne faudra pas se surprendre si on voit le prix doubler. Juste pour dire que quand on paye un loyer 900$, on s'attend à en avoir pour 900$. Pourquoi ne pas comparer le coût de dépense pour le logis au pied carré ? C'est exactement comme comparer des pommes avec des bananes. Ou de comparer l'investissement de 1000$ sur un vélo versus une voiture à 20 000$. La bicyclette est un moyen de transport pratique et écologique mais le jour où vous aurez à vous rendre sous la pluie chez de la famille qui vit à 300 km de chez vous, vous opterez certainement pour le véhicule qui vous offre les meilleurs avantages.
Avec un prix ajusté à la réalité, à supposer que la mise de fond demeure de 10%, la prime d'assurance (à payer si la mise de fond est inférieure à 20% de la valeur de la maison) chute à 4500$ plutôt que 7000$. Une différence qui vous permet de faire un beau voyage ou de l'investir à votre guise.
Pour ce qui est des taxes foncières, j'ai des amis qui ont acheté sur la rive-nord dans un tout nouveau développement et leurs taxes frôlent les 4000$ annuellement pour une maison de moins de 250000$ (blâmez les infrastructures à payer!). Mes parents habitent en banlieue dans une maison du milieu des années 80, les taxes sont maintenant de 2100$. Pour ma part, avec une maison à Montréal, la somme de mes taxes municipales et scolaires ne dépassent pas 2500$ par année. Je sais que je ne paye pas cher et durant mon magasinage, la moyenne avoisinait 3000$. Les taxes sont généralement plus chères dans les nouveaux quartiers/nouvelles constructions mais elles auront tendance à baisser et se stabiliser avec le temps. Encore une lacune dans leur méthode de calcul.
Autres points à souligner :
- Je suppose que les frais de démarrage de 17 500$ font référence aux frais de notaire, d'inspecteur, taxe de bienvenue, déménageur, peinture et quelques rénovations urgentes. Là-dessus, je vous dirais par mon expérience que les chiffres sont un peu plus réalistes mais quand même plus élevés que dans ma situation.
- Coût annuel d'entretien : 5000$/an. Pour certains travaux, vous devrez faire appel à un spécialiste. C'est un montant réaliste si vous faites toujours affaire avec des professionnels. Pour d'autres, si vous êtes moindrement bricoleurs et débrouillards, vous sauverez au moins 50% de la facture en le faisant vous-même. Il ne vous faut que les matériaux et un peu de votre temps. Lorsque j'étais à loyer, le propriétaire n'était pas pressé à faire changer les fenêtres et la porte-patio. Ça gelait par l'intérieur durant l'hiver et il fallait augmenter le chauffage, ce qui influençait à la hausse la facture d'électricité payée par les locataires. Étant propriétaire occupant, on fait les travaux nécessaires parce qu'on vit dedans et qu'on veut éviter les inconvénients ou que ça se dégrade. Et on ne se le cachera pas, c'est une valeur ajoutée dans le cas d'une revente.
- Frais à la revente : rien ne nous oblige à faire affaire avec un agent lorsque viendra le moment de vendre. On minimisera la commission et il nous en restera plus dans nos poches. On aime ça hein?
- Assurance habitation : j'ai été surpris quand mon assureur m'a dit que les coûts étaient moindre pour assurer ma maison PLUS mes biens comparativement à lorsque j'assurais uniquement mes biens en appartement. La raison : on est supposément plus responsable étant propriétaire qu'en étant locataire. Comme dans l'exemple illustré (360$ en loyer vs 900$), si le prix triple pour vous assurer, changez d'assureur!
- des revenus qui ne permettent pas d'acheter une maison
- une situation temporaire pour économiser de l'argent pour une mise de fond
- un choix de vie qui permet d'avoir plus d'argent pour se payer du luxe
Si je me fie à ce que j'ai investi en placements le temps que j'étais à loyer et que j'extrapole le tout sur 30 ans, j'aurais probablement un porte-feuille de 150 000$ (avec intérêts). Oui, il manque un zéro par rapport aux prévisions. J'ai beau gagner un bon salaire, je n'arrive pas au même résultat qu'eux dans mon calcul. Dans mon livre à moi, avec tous les scandales et problèmes financiers des dernières années, une maison est un placement plus sûr et qu'on peut bénéficier immédiatement si on vit dedans.
Un autre point qui m'agace : les couples agés fin vingtaine ou début trentaine sont exactement dans la tranche d'âge de ceux qui souhaitent fonder une famille. Donc plus de dépenses et moins de liquidités pour une hypothèque. Selon le calculateur de la capacité d'emprunt du site web de ma banque, un couple de jeunes professionnels gagnant un salaire de 45 000$ chacun, sans dette et ayant une mise de fond de 25 000$ pourrait emprunter jusqu'à 350 000$.
C'est le portrait de votre situation ? Bravo, vous avez la capacité de payer! Pour y arriver, oubliez les voyages, les repas au restaurant, troquez votre voiture pour un vélo, évitez de vous reproduire et cessez de respirer. Aucun de ces paramètres ne sont pris en compte dans votre capacité d'emprunt. Ou encore payez un montant plus réaliste en achetant une propriété qui répond à vos besoins et profitez de tout ce que la vie a de bon à vous offrir. Quand je vois un exemple aussi absurde que celui de cet article, je me demande si ce n'est pas les propriétaires qui tentent de convaincre les jeunes qu'il est plus avantageux de rester à loyer de peur de voir s'envoler leur profit facile.
Maintenant que nous avons considéré tout ça, on peut conclure par un point dont il n'est jamais question dans l'article : il vous faudra payer votre propriété pendant 25 ans alors que pour un loyer, vous aurez à le payer toute votre vie. Pour moi, c'est une évidence que ça devrait être une variable importante dans le calcul. Si vous achetez à 30 ans, vous serez libéré de votre dette à votre 55ème anniversaire. À loyer, vous serez dépendant de votre propriétaire à qui vous devrez envoyer un chèque par mois jusqu'à votre mort. Mais ça, c'est si vous vous laissez convaincre que vous êtes condamnés à perpétuité...
Merci beaucoup de ces détails! Effectivement, l'article de Cyberpresse, ne reflète pas réellement la réalité... 350000$ pour une maison... il aurait pu prendre quelque chose d'un peu plus abordable selon moi. En plus, moi même étant en processus d'achat de maison, ce sont des faits qui me faut vraiment savoir. En ayant, seulement 24ans cela m’interpelle beaucoup, car en plus beaucoup de mon entourage ne regarde pas du tout pour une maison... ils ont tous peur du prix vraiment élevé que cela pourrait être. Pourtant, en leur montrant le prix accessible de certains propriétés avec un taux hypothécaire tout de même bas, ils changent très souvent et rapidement d'idée! Donc, il suffit d'avoir une bonne méthode de calcul et être somme toute raisonnable avec ses propre besoins et nous serons tous en mesure d'avoir une propriété (maison ou condo), si on le souhaite bien entendu!
350000$ pour une maison? C'est la paradis l'Amérique du Nord!
En France pour 200000€ tu te payes un studio de 18m²... Si la banque veut bien te prêter...
@Alfred C'est clair que si on vise l'achat d'une propriété, il faut faire un budget et le suivre. Tu peux fouiller dans mon blogue, j'ai publié d'autres billets sur mon expérience de recherche et d'achat de maison. Je me rends compte qu'il y a énormément de facteurs qui influencent le calcul et que chaque cas est particulier. Cela dit, bonne chance dans tes recherches!
@Anonyme Au Canada, c'est sans doute beaucoup plus accessible mais c'est en train de changer. La valeur des marchés de Vancouver et Toronto ont beaucoup augmenté et on dit que Montréal est sur le point de suivre la tendance.
J'ai entendu dire qu'en France, les hypothèques pouvaient s'étendre sur plus de 40 ans. Quel est le contexte ?
Voici un lien intéressant dans le même ordre d'idée: http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/maison/habitation/201108/12/01-4425618-premiere-maison-un-achat-planifie-les-deux-pieds-sur-terre.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO23_maison_3732_accueil_POS1
Et on ne parle pas des immeubles à revenu ici?
À Montréal, je pense que les jeunes peuvent se permettre d'emprunter bien plus que 350000$ s'ils achètent à revenu.
Un triplex sur l'île vous coutera entre 400 et 600 milles mais il faut calculer le revenu que le propriétaire en tire. Tout dépendant du nombre et de la grandeur des appartements ça peut être assez substantiel.
Bref, il n'y a pas de beaucoup de constance dans ce marché, c'est souvent du cas par cas avec le profil financier des acheteurs, le type de propriété et la condition de celle-ci.
Et bien entendu, quand on sort de l'île, ça change tout.