J'ai appris aujourd'hui qu'un disquaire indépendant où j'ai déjà travaillé dans une autre vie allait fermer ses portes d'ici peu. Pincement au coeur. Les disques, ça ne vend plus. C'est même surprenant qu'il ait survécu aussi longtemps. Maintenant que nous sommes à l'ère numérique, les gens n'accordent plus d'importance à l'objet CD. Ni pour les livres et les DVD. La chaîne de location de films Blockbuster a fermé ses portes au Canada. Les torrents n'ont jamais été aussi populaires. Demandez à un jeune de 12 ans comment il consomme sa musique : achetée en ligne sur iTunes et déposée directement dans son lecteur mp3. Dans le cas du groupe Misteur Valaire, on coupe les intermédiaires avec une stratégie "direct-to-fan" (remarquez, ça a du bon). Il n'y a plus d'objet physique à manipuler. Ni de plaisir à admirer le livret, à s'imprégner de l'univers de l'artiste en lisant les paroles et en regardant les photos si évocatrices du contexte de création (on s'entend, ça vaut pour certains styles musicaux seulement, pas pour les artistes biodégradables ou jetables après usage).
Comme client, se rendre chez ce disquaire représentait pour moi des heures à discuter avec des passionnés. Ils connaissaient mes goûts et savaient exactement ce qui allait m'intéresser. Du service comme vous en verrez plus jamais. En discutant au téléphone avec un futur ex-employé, je lui ai avoué que ça faisait un bout de temps que je n'y étais pas retourné. Comme tout le monde, j'ai suivi le mouvement et j'ai remplacé mes habitudes de consommation en achetant sur Internet, surtout en raison des prix. Pour ce qui est des mp3, j'ai regretté mon choix et je cherche à racheter mes albums préférés en copies palpables. Ça se fait lentement et pas à n'importe quel prix. Juste pour ne pas avoir l'impression d'avoir payé le même album en double. D'ailleurs, eBay c'est une excellente place pour profiter de ceux qui se débarassent de leurs CD à bas prix après les avoir compressés en mp3.
Chez Indigo
Plus le temps passe, plus je finis par croire que certains types de magasins n'auront plus pignon sur rue. On cherche le meilleur prix, à tout prix. D'où la popularité des Walmart de ce monde. Il n'y a pas si longtemps, je suis allé chez le libraire Chapters/Indigo. J'avais consulté leur site web avant d'aller à la succursale du centre-ville pour vérifier la disponibilité d'un livre. Il restait une copie en inventaire au prix de 35$. Lorsque j'ai pris le livre sur l'étalage, j'ai vérifié au verso et l'étiquette indiquait 55$. J'ai demandé à la commis s'il s'agissait d'une erreur. Étonnamment non. J'étais prêt à passer à la caisse et contre toute attente, il n'y avait aucun moyen de faire égaler le prix. C'était pourtant la même bannière commerciale mais ils se permettaient d'offrir des prix différents en magasin et sur le web. La jeune fille finit par me recommander d'acheter en ligne pour bénéficier des meilleurs prix. Ce à quoi je répondis : tu te rends compte que tu m'encourages à te faire perdre ton boulot ? Malaise.
Ma première guitare
Un autre exemple m'est venu en tête au milieu de la nuit. Quand j'étais adolescent, j'ai magasiné ma première guitare (une Fender Stratocaster "made in Mexico") en gardant en tête que je devais respecter mon budget. Je me souviens avoir visité deux magasins qui avaient une approche complètement différente. Au premier, le jeune vendeur semblait plus préoccupé à m'impressionner par son talent de guitariste que de me transmettre de l'information pertinente. À l'autre, le vendeur (un drummer qui s'appelait Bruno) a passé 1h30 à m'expliquer la base, ce qui est important de regarder, les avantages et inconvénients, etc. Au final, le package guitare, ampli, étui, câble, accordeur, etc coûtait un peu plus cher que chez le concurrent. Mais la qualité du service a fait pencher la balance en sa faveur. Ce magasin s'appelait St-Jean Musique et était situé sur le boulevard des Laurentides à Laval. Depuis, il semble avoir fermé ses portes ou avoir changé de nom car une autre boutique du même genre occupe les locaux. Et le concurrent ? Eh bien il a pris de l'expansion et a ouvert d'autres succursales au fil des ans. Comme quoi le meilleur prix l'emporte généralement sur la qualité du service.
Le dilemme : où acheter ?
Cette semaine, j'ai magasiné pour un article plutôt dispendieux dans différents magasins de Montréal. Avec les taxes, le prix frôle les 3000$. La différence entre le prix le plus haut et le plus bas est peut-être de 40 ou 50$. Sur le total, c'est peu. Le premier vendeur était d'un magasin réputé mais il essayait de me vendre sous pression. Ceux des deux autres commerces visités ont bien répondu à mes questions. L'un était d'un magasin à grande surface avec un vendeur compétent mais à commission, l'autre un petit commerce indépendant de mon quartier avec des employés passionnés. En effectuant une recherche sur les Internets, j'ai noté que je pouvais commander le même produit en ligne dans un magasin en Ontario. En plus d'obtenir la livraison gratuite, je sauvais un peu plus de 200$ en taxes (on ne paye que la taxe sur les produits et services de 5% plutôt que la taxe combinée de presque 14%).
En tant que consommateur, j'ai le choix d'aller :
- Chez celui qui voulait me vendre sous pression
- Au magasin à grand surface tenu par des actionnaires
- Dans la boutique en ligne d'un commerce situé dans une autre province (on oublie le service après-vente)
- Au petit commerce local probablement tenu par un voisin de quartier qui risque tôt ou tard de devoir se battre pour sa survie face aux gros joueurs