En guise d'entrée en matière, c'est un sujet que j'ai déjà abordé à quelques reprises dans des billets comme
L'importance du titre : un mythe et dans
On est tous des attention whores. Juste parce que le mot "expert" s'emploie maintenant à toutes les sauces, ça m'enrage. Beaucoup se prétendent l'être, peu le sont vraiment. Et je ne le cacherai pas, j'ai une dent contre les experts en médias sociaux en particulier. Parce que c'est le buzz de l'heure et que personne ne veut avoir l'impression d'avoir manqué le train, ils profitent de la naiveté des gens, tel des prédicateurs qui croient détenir la clé du succès et qui sont habiles à les convaincre. Il n'y a pas si longtemps, il y avait prolifération des experts pour solutionner tous vos maux quant au bogue de l'an 2000. L'histoire se répète et la prétention est une constante. La méconnaissance d'un sujet résulte toujours en la naissance de soi-disant experts qui exploiteront le filon.
Après tout, la question que j'aimerais une fois pour toutes élucider est : c'est quoi un expert ? J'ai trouvé une définition intéressante dans le même livre de Levitin dont je vous parlais récemment (This is your brain on music, pages 196-197) et qui dans ce cas-ci s'applique aux musiciens (ma deuxième passion après la programmation).
Premièrement, qu'est-ce qu'on sous-entend par "expert" ? Généralement, on s'accorde pour le dire de quelqu'un qui a atteint un haut niveau d'accomplissement relatif à une autre personne. Comme tel, l'expertise est un jugement social, une déclaration qu'on fait par rapport à quelques individus par rapport à un groupe plus large de la population. Aussi, les accomplissements sont normalement considérés être dans un domaine que nous nous soucions. Comme le notait Sloboda, je peux devenir expert à me plier les bras ou à prononcer mon propre nom, mais ce n'est généralement pas la même chose que d'être un expert aux échecs, à réparer des voitures Porsches ou d'être capable de voler les
joyaux de la couronne britannique sans se faire prendre.
L'image qui émerge de ces études est que
dix mille heures de pratique sont nécessaires pour atteindre le niveau de maîtrise associé à être un expert de classe mondiale, et ce dans n'importe quoi. Que ce soit des compositeurs, des joueurs de basketball, des écrivains de fiction, des patineurs, des pianistes de concerts, des joueurs d'échecs ou des maîtres criminels, c'est le même chiffre qui revient tout le temps. 10 000 heures est l'équivalent à pratiquer 3 heures par jour ou 20 heures par semaine, et ce pendant 10 ans! Personne n'a encore trouvé de cas où l'expertise avait été atteinte plus rapidement. Il semblerait que le cerveau ait besoin de tout ce temps pour assimiler le nécessaire pour atteindre la maîtrise voulue.
Prouvez-moi que vous avez passé 10000 heures à étudier le sujet et vous aurez tout mon respect. Même
Nathalie Petrowski en a parlé. Même moi, je ne me considère expert en rien. Mes intérêts sont trop diversifiés pour avoir consacré autant de temps à une seule chose. Même 10000 heures cumulées en programmation ne font pas de moi un expert puisque le temps est réparti dans différentes sphères allant de la modélisation de bases de données à la programmation PHP, JavaScript et d'autres langages appris avec le temps.
Comment peut-on s'auto-proclamer expert dans un domaine émergent comme les médias sociaux ? Publier 25000 tweets de 140 caractères sur Twitter ne me dit pas que vous êtes un expert, ça m'indique seulement que vous êtes trop bavard et que vous avez du temps à perdre ! Ceci dit, ça fait à peine une semaine que
Google+ est lancé que seuls quelques chanceux de mon entourage ont reçu une invitation. On est d'accord que parce qu'ils ont pu explorer le produit avant les autres ne fait pas d'eux des experts. Ils n'ont qu'une longueur d'avance que vous rattrapperez lorsque vous y aurez vous aussi accès.
Lorsque je rencontre quelqu'un se présentant comme un expert dans une technologie, j'ai tendance à être critique et méfiant jusqu'à ce que la personne me convainc de sa compétence. Une expérience passée me revient en tête : pour un projet quelconque, nous avions à nous familiariser avec
WebSphere (c'était conditionnel à l'obtention du contrat, que nous n'avons pas eu d'ailleurs). Nous avions engagé un formateur expert en WebSphere (selon son CV) pour nous aider à mettre sur pied l'environnement de développement et nous donner un coup de pouce pour préparer un prototype du projet. Dès la première heure, il était embêté par nos questions et se retira chez lui pour tenter de trouver les réponses. Nous n'avons plus jamais entendu parler de lui. À mon avis, le type était débrouillard et croyait être en mesure de figurer le fonctionnement pendant la durée du mandat.
Comme il avait déjà mis le nez dans cette technologie, il était en meilleure position que nous. Au même titre que moi, en tant que programmeur donc travaillant en informatique, je suis immédiatement catégorisé comme un expert en ordinateurs par mon entourage. Pourtant, ni le hardware ni Windows n'ont de lien avec la programmation que je fais. Rien pour aider ma cause, je trouve des solutions!
Avoir un intérêt pour quelque chose n'équivaut pas à être une sommité en la matière. Alors avant de vous apposer le titre d'expert et de prétendre être meilleur que vous l'êtes en réalité, méfiez-vous parce que vous finirez tôt ou tard à être démasqué.